Le mot
Achigan provient du Canada, son pays d'origine et signifie "
celui qui se débat" (
At-chi-gane dans la langue des indiens algonquins). Raoul Renault disait après guerre : "Que les américains le dénomment black bass, c'est leur droit mais en France on pourrait lui laisser son nom "français" d'achigan !"
La pêche du bass aux USA est depuis longtemps une activité sportive (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)
Amérique
Originaire du plateau central d'Amérique du Nord où se trouvent les grands lacs canadiens, il s'est propagé en deux bandes dont l'une suivit le bassin du fleuve Saint Laurent et l'autre plus nombreuse se dirigea vers le Sud (d'après étude d'un canadien "ichtyologiste" A.N. Montpetit).
Ce poisson durant de longues années a probablement figuré au menu des nombreuses tribus d'indiens avant de s'accrocher aux hameçons des achiganeurs
sportifs. Lors de la conquête de l'Ouest il fut même transporté en train dans les réservoirs des locomotives (Baltimore 1853) et en moins de 10 ans ils se mit à fourmiller dans le Potomac.
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Europe
L'achigan, alors baptisé
black bass et ayant pris le goût des aventures, traversa la mer pour arriver d'abord en Angleterre et en Écosse où il fut bien accueilli (cité par Henshall sur le domaine du Marquis d'Exeter) ! Mal vu sur le continent et d'abord repoussé, c'est pour commencer dans les eaux d'Allemagne et des Pays-Bas qu'il fut introduit près de Berlin en 1884 et que son élevage fut entrepris (étangs de Berneuchen). Pour les Belges première acclimatation dans l'étang de Groenendael et déversement dans plusieurs canaux. Il y était, avec le Hotu, la population dominante dans certaines eaux plutôt fraîches de nos chers voisins! Il fut à la même époque importé au Maroc et vers 1928 en Afrique du Sud.
France
Introduit en France pour la première fois entre les années 1877 et 1882, c'est Emile Bertrand qui, pour la première fois en 1890, a obtenu la reproduction de l'Achigan dans un étang des environs de Versailles. Il fut introduit sous l'égide de la Société Nationale d'Acclimatiation et longtemps localisé aux seuls étangs de la Sologne puis est devenu très commun (dans la première partie du siècle jusqu'aux années 50) dans bien des rivières suite soit à des déversements massifs d'alevins, soit par ses propres moyens (le petit malin!) en empruntant les canaux pour passer d'un bassin à l'autre ! On le comptait également en nombre, et sans être exhaustif (infos facilement vérifiable), dans l'Isle (Aquitaine) ¹, à Redon (Bretagne) ou sur la Saône (Bourgogne) ², la Sologne, le Tarn ³ ou le marais poitevin ⁴ durant la première partie du 20ème siècle! Des introductions avaient lieu un peu partout en France pour peu que la rivière avait un courant lent ou en étang. Exemple ci-contre sur le Blavet en Bretagne.
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Source : l'AAPPMA de Pontrieux qui a eu la bonne idée de scanner et partager cet article d'époque sur son site (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)
Si l'on en croit le professeur Louis Roule dans Les Poissons des Eaux Douces de la France (1925) :
Louis Roule a écrit:
Actuellement on peut considérer comme répandu dans notre pays presque entier, où il se reproduit et se maintient de lui même.
Avant guerre, de nombreux pêcheurs sportifs tels que Louis Carrere dans le Tarn ou le Dr P. Barbellion (Lancer Léger et Poissons de Sport, 1941) se régalaient de la pêche du black bass!
Le black bass est classé dans la liste des espèces indigènes (qui signifie espèce acclimatée et reconnu comme autochtone se reproduisant et maintenant de lui-même en France) par la loi du 17 décembre 1985.
Dans les années 40, Raoul Renault dénombrait à lui seul 39 départements dans lequel le bass était représenté! Mais dans cette liste il manque des départements où il y avait assurément du black bass à l'époque! On imagine la difficulté à ce moment d'obtenir ce genre d'informations, et au vu des rivières qu'il citait, on peut estimer que le bass était présent dans plus de la moitié de la France dés l'après guerre. Pour Pascal Durantel, auteur halieutique de renom, l'age d'or du black bass en France correspond aux années 1960 jusqu'à 1970. L'apparition et l'expansion du
sandre et plus récemment du
silure en France ont peut être limité celle de l'Achigan en rivière! En tout cas l'espère n'a pas suscité l'intérêt qu'elle mérite auprès des instances halieutiques de l'époque qui n'ont pas réalisé tous les efforts voulus pour maintenir ses effectifs à un niveau acceptable au vu de l'intérêt suscité par sa pêche. On doit une partie de la population d'achigan en France aux GI's américains eux-même qui souhaitaient se livrer à leur pêche favorite à proximité immédiate de leurs bases.
Fréquence d'apparition des mots "achigan", "black bass" et "sandre" dans les livres référencés par Google Books depuis 1900 (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)
Le graphique ci-dessus montre bien que les livres de pêche (français uniquement) accordaient une certaine importance à "l'achigan" auparavant et notamment juste avant la seconde guerre mondiale.
Développement du black bass
Plusieurs facteurs ont limité la répartition du black bass en France. Quand on sait qu'il a pu être une des espèces dominantes de certaines eaux fraîches de Belgique il y a plus de 100 ans, on comprend que les "on dit" sur le fait que le bass ne subsisterait pas au dessus de la Seine est une erreur. Et pour rappel nos chers bass français viennent du Canada... L'achigan a simplement besoin d'eau au courant nul voire faible, de caches importantes (branchage, végétation, blocs rocheux) et de mesures adaptées comme une protection qu'il n'a pas partout pendant sa phase de
reproduction où il est vulnérable.
Depuis son introduction, la pêche associative en France n'a jamais réellement "misé" sur cette espèce... Comme cité plus haut, il aura fallu que les américains s'installent en France pour revoir des actions concrètes de leur part pour favoriser l'espèce en France... Les GIs considéraient la perche et le brochet comme des poissons secondaires et ne juraient que par des espèces dignes sportivement d'un intérêt : truites, saumons et black bass! Ils se déplaçaient même déjà à l'époque jusqu'en Espagne pour assouvir leur passion (Jim C. Chapralis).
Les espèces de bass
L'achigan se conjugue en plusieurs fois !
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l'achigan à grande bouche qui compte plusieurs sous espèces (souches)
-
l'achigan à petite bouche
- aux USA, une autre espèce est présente : le
Spotted Bass assez proche, physiquement, du grande bouche.
- en France, une autre espèce est présente bien que techniquement elle ne soit pas une espèce de black bass :
le crapet de roche (traduction française abusive pour
rock bass)
La première espèce est largement connue en France où il est classé dans la liste des espèces indigènes et plus communément appelée
black bass. Ceci présente un large potentiel pour le développement de la pêche sportive, mais il faudrait pour cela qu'il soit mieux protégé et que les instances de la pêche réalise quelques efforts en faveur de cette espèce plutôt que d'autres. L'association
Black Bass France tente d'ailleurs de sensibiliser les pêcheurs dans cette voie.
Le
petite bouche a été introduit en France en 1883, il vit dans des eaux plus claires et froides que son grand frère, ces essais n'ont pas réussi ! On peut trouver notamment trace d'une population éteinte en eau vive : la Semois dans les Ardennes. H. Chaumanton (éditions Nathan 1983) a proposé une carte d'implantation du "smallie". On a prétendu qu'il s'était acclimaté dans certains cours d'eau du Massif Central... Mais aucune prise ou retour sur une quelconque identification d'individus ne sont aujourd'hui relatés.
Concernant le petit dernier, le
"crapet" de roche, il a lui aussi été introduit en France suite à des déversements d'alevins près de Chalon-sur-Saône en 1904. Les pêcheurs l'avaient surnommé (à tort) black bass ! Cette espèce, quant à elle, semble s'être acclimatée très localement puisque de nos jours encore des populations subsistent en Bourgogne! Ce poisson d'eau vive ne dépasse pas les 1,5 Kg.
Article détaillé:
toutes les espèces de bass
Références:
¹ : Guy Debédat (auteur)
² : Raoul Renault (auteur)
³ : Jacques Bordenave (pêcheur émérite!) et locaux
⁴ : Albert Girard (gardes des Eaux et Forêts) et locaux
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"Le Black Bass ou Achigan. Ses Moeurs - Ses Pêches" - Raoul Renault - 1951 - Edition Bornemann (60 pages)
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"Le Black-Bass. Ses Moeurs, sa Pêche" - Jean Claude Vanson - 1958 - Editions Crépin-Leblond
- recherches et connaissances partagées par Jacques Bordenave